La loupe

Pandémies et élevage intensif : quelques réponses à vos questions

News Section Icon Publié 01/04/2020

Avec l'épidémie de COVID-19 que subit la France et le monde entier actuellement, nous avons reçu de nombreuses questions sur les liens entre l'élevage intensif et l'épidémie. Voici quelques réponses. 

Des animaux sauvages sont-ils la cause de la récente épidémie de coronavirus ?

L'OMS a déclaré que la source animale du COVID-19 n'a pas encore été confirmée.[1] 

Ce sont a priori les animaux sauvages plutôt que les animaux d'élevage qui sont les hôtes naturels de la plupart des bactéries, virus et autres micro-organismes qui peuvent provoquer des maladies transmissibles aux humains. Les précédents coronavirus similaires ont pu provenir de chauves-souris et se propager à d'autres animaux sauvages.[2] L’épidémie de SRAS de 2003 a par exemple probablement été transmis à l'homme par des animaux sauvages vendus sur les marchés d'animaux vivants.[3]

Les marchés d’animaux sauvages vivants sont répandus en Chine, dans certaines parties de l'Asie du Sud-Est et en Afrique. Des animaux sauvages, du pangolin à la chauve-souris, sont mis en cages, les uns près des autres pour être vendus alors qu’à l’état sauvage ces espèces n’auraient jamais été en contact.

La proximité avec les humains constitue le terreau idéal pour les zoonoses, c’est à dire les maladies animales transmissibles aux humains. On ne peut ignorer qu’actuellement ces marchés sont une source essentielle de nourriture et de revenus pour des centaines de millions de personnes parmi les plus pauvres du monde. En Chine par exemple, la consommation d ‘animaux sauvage a fait suite à la grande famine de 1960. Il est à noter qu’en raison du COVID-19, les autorités chinoises viennent d’interdire la consommation d’animaux sauvages.

Qu'est-ce qu'une zoonose?

Les zoonoses sont des maladies ou infections qui se transmettent des animaux aux humains. 

Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, trois maladies infectieuses nouvelles ou émergentes sur quatre proviennent d'animaux. C’est le cas par exemple des Escherichia Coli (E. Coli), Campylobacter, Salmonelles… Et ce n’est pas nouveau, la grippe espagnole qui a sévi au début du 20ème siècle provenait des oiseaux, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (maladie dite de la vache folle) est liée aux bovins, l'épidémie d'Ebola en Afrique est liée à la viande de brousse et plus récemment la grippe aviaire H5N1 ou la grippe porcine… les exemples sont hélas nombreux.

L'élevage intensif est-il une des causes des zoonoses ?

Oui, dans de nombreux cas.

La propagation des maladies est souvent imputée aux animaux sauvages, mais les déplacements des personnes, des animaux et des biens est le principal facteur de propagation. Un groupe de travail des Nations Unies a déclaré que « les épidémies de grippe aviaire hautement pathogène (IAHP) sont généralement associées à une production intensive de volaille, au commerce et systèmes de commercialisation ”.[4]

Les maladies se propagent à partir d'animaux élevés de manière intensive ET extensive. Cependant, plus le nombre d’animaux est grand, plus les densités dans les bâtiments sont élevées, et plus le risque augmente d’apparition et de propagation des maladies.

L'élevage intensif, qui implique un grand nombre d'animaux enfermés à l'intérieur et des densités très élevées, augmente forcément le risque de transmission des maladies parmi les animaux.[5] Ceci est particulièrement le cas pour les porcs et les volailles.[6],[7]

De plus, les élevages intensifs utilisent généralement des animaux à faible diversité génétique et les conditions de stress dans ces élevages provoquent souvent un affaiblissement du système immunitaire des animaux. La grande majorité des 65 milliards de poulets de chair abattus chaque année proviennent par exemple d'une dizaine de croisements hybrides seulement produits par trois entreprises mondiales et vendus dans le monde entier. Celles-ci ont remplacé d'innombrables races traditionnelles, qui s’étaient adaptées au fil des siècles aux conditions locales.

Ce manque de diversité génétique des animaux élevés et leurs fortes densités dans les bâtiments offrent des conditions idéales pour que les agents pathogènes se propagent rapidement, ainsi que davantage d'opportunités pour eux de muter en de nouvelles souches plus virulentes.[8]

Quel est le lien entre la déforestation, le changement d’affectation des terres, l'élevage intensif et l'émergence d'épidémies ou pandémies ?

La destruction des habitats des animaux sauvages ainsi que la perte de biodiversité et d'écosystèmes, induites par les activités humaines, sont des éléments clés de l'émergence de nouvelles maladies. L'exploitation minière, la construction de routes et la déforestation pour l'agriculture et l'élevage intensifs  détruisent non seulement les habitats des animaux sauvages et la biodiversité, mais exposent également les populations à des agents pathogènes jusque-là inconnus[9]. Par exemple :

  • les épidémies liées au virus Ebola en Afrique de l'Ouest sont le résultat de déplacements de populations humaines toujours plus profondément dans les forêts.
  • la production de l'huile de palme a un impact fort sur les orangs-outans, et la production de soja dans le Cerrado (Brésil) où se trouve 5% de la biodiversité mondiale a un impact fort sur la faune sauvage et la biodiversité locale.

Quel est le rôle de l'alimentation animale ?

La production d'aliments pour les animaux d’élevage - soja, maïs et palme - est responsable du changement d'affectation des terres, de la déforestation et de la perte d'habitat pour les animaux sauvages. C’est l'un des plus grands impacts environnementaux de l’élevage intensif- principalement des porcs et de la volaille, mais aussi des bovins laitiers et des parcs d'engraissement de bovin.

Les cultures pour la production d’alimentation des animaux d’élevage accaparent 40% des terres arables du monde[10]. Les humains exercent une pression énorme sur les écosystèmes et entrent en contact avec de nombreuses nouvelles zones géographiques et espèces sauvages en détruisant ces terres pour y mettre des cultures de soja, maïs ou palme.

Le changement climatique peut-il aggraver la propagation des maladies ?

Oui, c'est possible et c'est le cas. 

Le changement climatique entraîne aussi de mauvaises récoltes en raison d'événements météorologiques extrêmes, tels que les inondations et la sécheresse, entraînant une baisse des rendements et de la teneur en éléments nutritifs des aliments.

Afin de compenser la perte de rendement et de produire la même quantité de nourriture, davantage de terres sont nécessaires et de nouveaux espaces sont ouverts à l'agriculture. Le changement d'affectation des terres qui en résulte peut exposer les gens à davantage de maladies.

L’élevage industriel est-il résilient ? Peut-il s’adapter facilement ?

Non. 
Tout système industriel est conçu pour l'efficacité et la production, a une marge d'erreur minimale voir nulle et n'est pas résilient ni facilement adaptable au changement.

Des exemples récents montrent bien que les systèmes de production industrielle ne peuvent s'adapter à aucun changement, ni aucun facteur externe venant perturber le système :

  • Les vagues de chaleur de l'été dernier ont affecté gravement les élevages de volailles et tué des milliers de poulets en bâtiment
  • des épidémies de zoonoses telles que la grippe aviaire ont nécéssité l'abattage de millions de poulets 

En quoi le travail de CIWF est-il pertinent pour la pandémie actuelle ?

CIWF travaille sans relâche depuis plus de 50 ans pour mettre fin à l'élevage intensif, du fait de ses impacts terribles sur les animaux, les hommes et la planète. La situation actuelle est grave, elle nous confirme que nous alertons sur des problèmes qui prennent toute leur ampleur dans ces temps de crise.

Cette crise doit servir de signal d'alarme. Il est urgent d'agir pour un élevage et une agriculture durables.

 

[1] https://www.who.int/health-topics/coronavirus 

[2] https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/cases-updates/summary.html?CDC_AA_refVal=https%3A%2F%2Fwww.cdc.gov%2Fcoronavirus%2F2019-ncov%2Fsummary.html

[3] Li, W., Shi, Z., Yu, M., Ren, W., Smith, C., Epstein, J.H., Wang, H., Crameri, G., Hu, Z., Zhang, H. and Zhang, J., 2005. Bats are natural reservoirs of SARS-like coronaviruses. Science, 310(5748), pp.676-679. 

[4] http://www.cms.int/sites/default/files/Scientific%20Task%20Force%20on%20Avian%20Influenza%20and%20Wild%20Birds%20H5N8%20HPAI_December%202016_FINAL.pdf

[5] Cutler, S.J., Fooks, A.R. and Van der Poel, W.H., 2010. Public health threat of new, reemerging, and neglected zoonoses in the industrialized world. Emerging infectious diseases, 16(1), p.1.

[6]  Graham, J.P., Leibler, J.H., Price, L.B., Otte, J.M., Pfeiffer, D.U., Tiensin, T. and Silbergeld, E.K., 2008. The animal-human interface and infectious disease in industrial food animal production: rethinking biosecurity and biocontainment. Public health reports, 123(3), pp.282-299. 

[7] Drew, T.W., 2011. The emergence and evolution of swine viral diseases: to what extent have husbandry systems and global trade contributed to their distribution and diversity?.Revue Scientifique et Technique-OIE, 30(1), p.95.

[8]  Jones, B.A., Grace, D., Kock, R., Alonso, S., Rushton, J., Said, M.Y., McKeever, D., Mutua, F., Young, J., McDermott, J. and Pfeiffer, D.U., 2013. Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences, 110(21), pp.8399-8404.

[9] Jones, B.A., Grace, D., Kock, R., Alonso, S., Rushton, J., Said, M.Y., McKeever, D., Mutua, F., Young, J., McDermott, J. and Pfeiffer, D.U., 2013. Zoonosis emergence linked to agricultural intensification and environmental change. Proceedings of the National Academy of Sciences, 110(21), pp.8399-8404. 

[10] Mottet et al. (2017). Livestock: On our plates or eating at our table? A new analysis for the feed/food debate. Global Food Security 14:1-8. https://doi.org/10.1016/j. Gfs.2017.01.001 

[11] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(19)32596-6/fulltext 

 

 

 

 

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