Déni de réalité

Si les impacts de l’agriculture intensive sur l’ensemble du vivant ne sont plus à démontrer, s’ils sont même de plus en plus visibles et dramatiques, notamment sur la santé humaine, cette proposition de loi agricole les nie, purement et simplement.

Ainsi, elle nie cette réalité : l’industrialisation de l’élevage se fait au détriment des éleveurs français.

En effet, les allégements envisagés de la réglementation encadrant la construction ou l’agrandissement d’élevages industriels font le jeu des industries agroalimentaires et de l’alimentation animale. Ils ne permettent aucunement de soutenir l’élevage en France qui a besoin de création de valeur et de débouchés pour des produits à plus forte valeur ajoutée.

Les chiffres le démontrent : un tiers des élevages français a disparu en dix ans. L’agrandissement des élevages a débouché sur une concentration accrue des cheptels pour un nombre toujours plus réduit d’exploitations. Entre 2010 et 2020, la taille des élevages a augmenté de 38% pour les exploitations laitières, 55% pour les porcines, 227% pour les poulets de chair et 454% pour les poules pondeuses ! Cette concentration n’a pas permis de répondre aux difficultés quotidiennes des éleveurs, bien au contraire.

Depuis 15 ans, la réglementation qui encadre l’implantation et l’agrandissement des élevages industriels est attaquée, affaiblie, assouplie.

Avec l’article 3 de la proposition de loi visant, le détricotage s’accélère. Il s’agit d’une part de restreindre la consultation du public lors des procédures d’autorisation et de l'autre, de relever les seuils (en nombre d’animaux) nécessitant une autorisation environnementale - lesquels pourraient passer de 40 000 à 85 000 emplacements pour les poulets de chair et de 2 000 à 3 000 emplacements pour les porcs.

Cette régression pourrait conduire à multiplier par 2 le nombre d'élevages industriels et le nombre d'animaux enfermés dans ces exploitations.

Déni de démocratie

Ces mesures, supposées aider les éleveurs, ne visent qu’une infime minorité d’entre eux, généralement mieux lotis économiquement. Et elles comptent des risques avérés.

C'est pourquoi, ce texte alarmant en l'état les citoyens et les agriculteurs, de nombreux amendements avaient été déposés pour prendre le temps d’en débattre en séance publique.

Pourtant, suite à une manœuvre politique inédite, à savoir une motion de rejet préalable déposée par le rapporteur lui-même, le texte ne sera pas discuté en séance publique.

Déjà adopté par le Sénat, le texte va maintenant être envoyé à une commission mixte paritaire au sein de laquelle sept députés et sept sénateurs vont élaborer en huit clos, en juin ou en juillet, une version commune aux deux Chambres du Parlement. En cas d'accord, celui-ci sera soumis à l'Assemblée nationale et au Sénat qui se prononceront par un vote.

Un texte, contraire aux attentes des citoyens et des agriculteurs, qui pourrait donc passer en force...

A suivre !

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