Risques pandémiques et grippe aviaire amplifiés par l’intensification

La plupart des grandes maladies infectieuses humaines trouvent leur origine chez les animaux : environ 60 % des maladies infectieuses humaines sont des zoonoses et au moins 75 % des nouvelles maladies infectieuses proviennent des animaux selon l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA). La concentration de l’élevage industriel et les conditions intensives (stress chronique, promiscuité, génétique à croissance rapide) créent un terreau idéal pour la propagation et l’évolution des virus. Les poulets élevés en systèmes intensifs sont génétiquement très similaires (presque des clones) ce qui réduit la diversité immunitaire et rend chaque animal particulièrement vulnérable. Pour qu’un virus se transmette efficacement, il doit s’adapter à son hôte. Or, dans ces conditions la transmission s’accélère. De plus, le stress et la densité favorisent la multiplication virale et augmentent le risque que de nouvelles mutations apparaissent, parfois plus virulentes ou résistantes. Ce contexte augmente non seulement l

La grippe aviaire illustre parfaitement ce mécanisme. Jusqu'à ces dernières années, la grippe aviaire qui circulait chez les oiseaux sauvages ne causait généralement que peu de dommages. Mais lorsque le virus a pénétré puis muté dans les élevages - souvent transporté par les chaussures, les vêtements ou les équipements contaminés des travailleurs - il s’est transformé en un virus influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) beaucoup plus ravageur. La promiscuité des animaux, le stress chronique et le renouvellement constant des populations favorisent la propagation rapide et l’émergence de nouvelles souches virulentes. La France est particulièrement concernée : depuis 2021, elle est le pays le plus touché en Europe par les épisodes de grippe aviaire, avec des centaines de foyers recensés, engendrant des abattages massifs et des coûts sanitaires et économiques élevés, financés par les contribuables. La maladie est même considérée comme devenue endémique en France depuis 2022, c’est-à-dire qu'elle restera constamment présente dans une région ou une population donnée.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) souligne que ces épisodes de grande ampleur trouvent leur origine dans les élevages eux-mêmes, via des transmissions inter-élevages facilitées par les pratiques de la filière et des défauts de biosécurité . Pour limiter ces risques, l’ANSES recommande de dédensifier les élevages de manière géographique mais aussi de dédensifier les animaux d’élevage dans les élevages eux même .

L’ANSES précise que « les épisodes d’IAHP (H5) de grande ampleur survenue jusqu’à présent en France ont à chaque fois trouvé leur origine dans une transmission inter-élevages », et ces transmissions sont avant tout due « à l’organisation de la filière des palmipèdes gras. »

En réalité, la grippe aviaire et autres épizooties ne peuvent être enrayées sans une refonte majeure du secteur de la volaille.

En réponse à la multiplication des épisodes, la France a décidé de rendre la vaccination des canards en élevage obligatoire depuis 2023, ce qui a permis d’éviter des centaines de nouveaux foyers selon les experts. Malgré cela, de nouveaux foyers sont tout de même tous les ans présents. La grippe aviaire frappe à nouveau la France pour cette nouvelle saison de l’hiver 2025-2026.

Antibiorésistance et risques d’infections alimentaires

Les élevages industriels de poulets sont également particulièrement vulnérables aux maladies, en raison de leurs conditions d’élevage. Pour maintenir la production, l’usage d’antibiotiques y est mondialement massif : la volaille représente une part importante de la consommation vétérinaire d’antibiotiques, alors même que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) considère l’antibiorésistance comme l’une des plus grandes menaces sanitaires de notre siècle. La France connaît une dynamique de réduction de l’usage d’antibiotiques dans la volaille : l’exposition des volailles à certains antibiotiques a baissé de 71 % depuis 2011, et encore de 12 % entre 2023 et 2024, confirmant une tendance à la baisse, qu’il convient d’encourager . Néanmoins, leur niveau d’exposition reste élevé (les suivis existent depuis 1999 uniquement) et depuis ces dernières années, il stagne ou diminue de moins en moins.

Les résistances aux antimicrobiens entraînent déjà des conséquences dramatiques : elles seraient responsables de 700 000 décès par an dans le monde. Si rien n’est fait à l’échelle mondiale, les infections dues à des bactéries résistantes pourraient redevenir, d’ici 2050, l’une des premières causes de mortalité humaine, provoquant jusqu’à 10 millions de morts annuelles. En France, l’antibiorésistance cause plus de 5 000 décès chaque année et 125 000 patients développent une infection liée à une bactérie résistante. L’antibiorésistance rend certaines infections difficiles, voire impossibles à traiter, menaçant notre capacité à soigner des maladies courantes.

Les couts des antibiotiques pour les producteurs, ainsi que les couts pour la société de l’antibiorésistance sont massifs. Ils seraient une source d’économie importante pour accompagner les transitions des modes de production et réduire la pression sur la santé humaine.

À côté de ce risque, la viande de poulet constitue également un vecteur majeur de zoonoses bactériennes. C’est le cas de la campylobactériose, première infection alimentaire en Europe (70% des zoonoses déclarées), dont 44% des cas humains peuvent être directement imputables à la manipulation, la préparation et la consommation de viande de poulet . La salmonellose, autre infection fréquente, peut entraîner fièvre, diarrhée et complications graves chez les populations vulnérables. Ces bactéries profitent des conditions d’élevage où la promiscuité, la chaleur et l’humidité favorisent leur multiplication.

Le revers de la volaille : les impacts sur l'environnement et la santé