La loupe

Guerre & souveraineté alimentaire : Lettre ouverte au Président de la République et au Ministre de l'Agriculture

News Section Icon Publié 11/03/2022

Face à la guerre en Ukraine, il n’aura fallu que 4 jours pour que les porte-étendards de l’agriculture industrielle menacent les (rares) avancées environnementales des politiques agricoles européennes qui ont un impact sur l'ensemble de la planète et en particulier sur les pays qu'ils prétendent vouloir "aider".

27 organisations environnementales et paysannes, dont CIWF France, ont uni leurs voix pour adresser au Président de la République et au Ministre de l’Agriculture, le 10 mars dernier, cette lettre ouverte dont voici des extraits choisis...  

Avant toute chose, nous tenons à exprimer toute notre solidarité envers les Ukrainiens et les Ukrainiennes, plongés dans l’effroi de la guerre, ainsi que tous les Russes qui s’y opposent au péril de leur vie. Si les pays européens sont potentiellement affectés par la perturbation des échanges de matières premières, c’est sans commune mesure avec ceux qui en sont le plus dépendants, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. C’est la sécurité alimentaire mondiale qui est ainsi mise en danger.

Une nouvelle mise en lumière de la fragilité de notre agriculture et de l’élevage industriel 

La situation actuelle illustre de manière frappante à quel point l’alimentation et l’agriculture européennes, et l’élevage industriel en particulier, sont dépendants des importations.

Quelques chiffres pour comprendre les enjeux. Les deux tiers des céréales produites en Europe sont destinés à l’élevage industriel. Pour nourrir ce type d’élevage, il faut importer l’équivalent d’un cinquième de la surface agricole utile européenne sous forme de soja et mobiliser 80% des engrais achetés par les agriculteurs. Ces importations de soja rendent donc l’Europe importatrice nette de calories, mal utilisées à nourrir des animaux qui concurrencent l’alimentation des hommes et des femmes dans le monde. Dans ce modèle, l’Ukraine fournit la moitié du maïs importé par l’Europe et jusqu’à 600 000 tonnes de tourteaux de tournesol ukrainiens pourraient manquer à terme à l’élevage français.

Ainsi, les élevages industriels français et européens se retrouvent dans une double impasse : les engrais nécessaires à la production des céréales européennes tout comme les protéines importées pour l’alimentation animale (soja, tourteaux) vont devenir de plus en plus rares et chers. Il leur faudra des aides pour tenir l’inévitable choc économique qui vient.

Revoir la place de l’élevage industriel dans l’agriculture et l’alimentation européenne est donc le premier levier pour dégager des marges de manœuvre sur les stocks de céréales, faire baisser la pression sur les prix et la dépendance aux énergies fossiles.

Pourtant, une nouvelle fuite en avant !

Sous couvert de vouloir nourrir les peuples qui auront faim, en conséquence de la guerre en Ukraine, les tenants de l'agro-industrie en profitent pourtant pour pousser leur vision productiviste de l'agriculture en appelant à l'abandon de la stratégie “De la ferme à la fourchette (volet agricole du Green Deal) portée par la Commission européenne qui tente de répondre de manière responsable aux enjeux climatiques, environnementaux et sanitaires actuels.

Or il faut casser un mythe : en dehors des contextes d’urgence humanitaire, la faim n’est pas une question de production mais de répartition. Un tiers des productions mondiales sont gaspillées. Si nous voulons réellement faire face à la question de l’insécurité alimentaire, ce n’est pas la course à la production qu’il faut amorcer. Ces revendications sont simplistes, elles jouent sur la peur de ruptures d’approvisionnement et conduiraient à l’opposé de ce qu’elles prétendent défendre. 

Arguer qu’il faut augmenter quoiqu’il en coûte les volumes de production agricole pour nourrir le monde relève d’une vision biaisée car unilatérale de la souveraineté alimentaire. Si la FNSEA, qui porte ce discours au plus haut niveau, souhaitait réellement répondre à cet enjeu de souveraineté alimentaire, elle ne chercherait pas, entre autres, à soutenir l’exportation de blé, produits laitiers et de poulets français qui, étant largement subventionnés, perturbent les économies de pays tiers et freinent le développement de productions locales.

Il faut précisément réviser fondamentalement le (dys)fonctionnement de notre agriculture

Face à la crise sanitaire et à la guerre en Ukraine, des choix de société s’imposent pour nourrir l’ensemble des peuples de la planète, aujourd’hui comme demain. 

Notre proposition est à l’opposé d’une fuite en avant technologique et productiviste qui se heurte déjà aux limites énergétiques et écologiques rappelées avec force par le Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) récemment.

En nous inspirant d’analyses rigoureuses, de scénarios prospectifs tels que TYFA, nous défendons une agroécologie basée sur trois grands leviers.

  • Le premier a déjà été évoqué : la réduction de la production animale industrielle, néfaste pour notre santé et notre environnement et consommatrice de céréales, d’engrais et de protéines importées (elles-mêmes source de déforestation).
  • Le deuxième levier est le développement de systèmes de culture et d’élevage qui dépendent moins des énergies fossiles et des intrants de synthèse : développement des légumineuses et valorisation du fumier comme alternative aux engrais chimiques, recours au pâturage et aux prairies permanentes pour une plus grande autonomie fourragère.
  • Le troisième est la transition vers une alimentation saine, sans risque, accessible à tous, plus équilibrée, mais aussi moins riche en produits animaux.

Ces mesures engagent une véritable transition agroécologique, seule capable d'assurer une autonomie à nos agriculteurs et agricultrices et donc, d'assurer notre souveraineté alimentaire.

Pour lire la lettre en entier : cliquez ici

Les organisations signataires

Par ordre alphabétique : Agir pour l’Environnement – Alofa Tuvalu – Amis de la terre – Attac France – Cantine sans plastique France – CCFD-Terre Solidaire – Citoyens pour le climat – CIWF France – Commerce Equitable France – Confédération paysanne – Eau et Rivières de Bretagne – Fédération Associative pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural – Fédération Nationale d’Agriculture Biologique – Foodwatch France – Fondation pour la Nature et l’Homme – France Nature Environnement – Générations futures – Greenpeace France – Ingénieurs sans Frontières AgriSTA – Justice Pesticides – LPO France – MIRAMAP – Réseau Action Climat – Réseau
Environnement Santé – Réseau CIVAM – Syndicat National d’Apiculture – SOL, Alternatives Agroécologiques et Solidaires – Terre et Humanisme – Terre d’Abeilles – UNAF

 

Globe

Vous utilisez un navigateur obsolète que nous ne prenons pas en charge. Veuillez mettre à jour votre navigateur pour améliorer votre expérience et votre sécurité.

Si vous avez d'autres questions à ce sujet ou pour toute autre question, veuillez nous contacter à l'adresse suivante: infofrance@ciwf.fr. Notre objectif est de répondre à toutes les questions dans un délai de deux jours ouvrables. Cependant, en raison du volume élevé de correspondance que nous recevons, cela peut parfois prendre un peu plus de temps. S'il vous plaît, supportez-nous si c'est le cas. Si votre demande est urgente, vous pouvez également nous contacter au 01 79 97 70 50  (lignes ouvertes du lundi au vendredi de 9h à 17h).